10 sept. 2017

"Zéro alcool" pendant la grossesse. (Journaliste,) arrêtez de prendre vos lecteurs pour des imbéciles

Le magazine d'actualité l'Obs avec Rue89 a publié un article écrit par Renée Greusard, réagissant farouchement à la nouvelle campagne de prévention de Santé Publique France sur l'alcool et la grossesse. Et même à la recommandation abrégée du "zéro alcool" pendant la grossesse. Pourquoi ? Parce que l'on prendrait des femmes pour des imbéciles.
Affiche fictive du mode de communication
recommandé par cette expertise

Sauf qu'à la lecture plus attentive des arguments ou de ce qui y ressemble, une chose saute aux yeux : c'est plutôt le lecteur qui est pris pour un imbécile, homme ou femme ! L'attitude contemporaine étant de s'opposer à tout discours officiel, à toute agence nationale, à toute communication publique, voire à tout ce qui est fait en France : la surprise à lire cet article n'en est pas vraiment une. On peut spontanément penser à un article sournoisement commandité par les lobbies de l'alcool. Du déjà-vu, pour l'alcool ou le tabac. Mais non, il semblerait que le seul lobby derrière tout ça, soit celui du nihilisme comme nouveau créneau journalistique en vogue.


La réalité qui n'est pas évoquée


C'est ce 9 septembre qu'a eu lieu la Journée mondiale (et pas nationale) du syndrome d'alcoolisation foetale (SAF). Santé Publique France a profité de l'occasion pour lancer une nouvelle campagne de sensibilisation sur l'alcool et la grossesse, après qu'une enquête ait montré une persistance de la minimisation ou de la méconnaissance des risques liés à une consommation faible ou ponctuelle d'alcool durant la grossesse. Cette campagne est destinée aux‎ 66 990 856 français, dans toute leur diversité, femmes ou hommes (oui, l'information doit aussi être intégrée chez les hommes qui peuvent jouer un rôle - positif ou négatif), quelque soit leur niveau d'éducation, leur catégorie socio-professionnelle, leurs connaissances et leurs croyances sur l'alcool et la grossesse. Ces dernières sont encore à améliorer. Le constat de cette enquête de Mai 2017 est révélateur :

  • 67% de la population ne sait pas que l'alcool comporte des risques tout au long de la grossesse.
  • 36% des français ne savent pas qu'un verre de vin ou de bière est tout aussi dangereux qu'un verre d'alcool fort.
  • 21% des français pensent même qu'il est conseillé de boire un petit verre de vin de temps en temps pendant la grossesse.

Le SAF, contrairement à ce que ces négationnistes veulent vous faire croire, n'est pas synonyme d'alcoolisme maternel ! Ce dernier en sera un grand facteur de risque, mais d'après le Dr David Germanaud (Service de Neuropédiatrie et Pathologie Métabolique Hôpital Robert Debré), même une exposition modérée préoccupante (plus d’un verre par semaine ou de 2 verres par occasion à plusieurs reprises) impose la mise en place d'un suivi spécialisé. Lui est au front.

Les manifestations cliniques du SAF sont nombreuses et variables (retard de croissance, microcéphalie, dysmorphie faciale, troubles du développement neurologique jusqu’au retard mental), la prise en charge lourde et coûteuse. Attention : c'est la forme la plus grave d'une alcoolisation maternelle (et la 1ère cause non génétique d'handicap mental), mais il y en a d'autres. On parle aujourd'hui de TSAF, les troubles du spectre de l'alcoolisation fœtale. Le SAF, c'est au moins 700 à 2000 nouveau-nés par an en France. Les TSAF, c'est probablement bien plus mais les données épidémiologiques manquent du fait d'un système de surveillance inexistant, de sous-déclarations et de dénis.


Bref, on est devant un objectif de sensibilisation ardu et délicat, devant faire adopter le réflexe "pas d'alcool pendant la grossesse" : cet objectif ne pourra pas être atteint chez tout le monde, et les bénéfices seront longs à obtenir et observer, comme souvent dans le monde ingrat de la santé publique.

Que reproche-t-on à ce dispositif de communication ?

Tuto santé publique : faire simple mais compliqué!

Démarrons fort par ce premier reproche. Cette campagne de sensibilisation serait trop simple ("on nous pense incapables de comprendre la complexité") mais en même temps pas assez vulgarisé ("qu'on vulgarise [...]").

Cette incohérence est entachée d'un certain optimisme (voire d'une utopie) : nous serions tous quasi-experts en biologie de la reproduction, alors que nous ne sommes même pas tous conscients que l'alcool comporte des risques durant la grossesse (on a bien dit seulement 33 % juste avant, non?). Aussi tous capables d'interpréter les études, et de les intégrer aux connaissances. La complexité des mécanismes reliant l'alcool à des conséquences sur la santé de l'enfant à naître est réelle, documentée, explicitée dans les travaux scientifiques, dans la littérature médicale en biologie de la reproduction, lors de congrès et réunions d'experts réunissant biologistes, gynécologues, pédiatres, addictologues, médecins de santé publique. Ainsi, une personne ayant au moins un Bac+5 en biologie humaine pourra certainement comprendre la réalité de ce qui se cache derrière les campagnes de prévention de masse. Mais sensibiliser la population, c'est sensibiliser tout le monde. Quelque soit son éducation, sa catégorie socio-professionnelle, ses croyances, sa culture. La prévention individualisée existe aussi, mais elle a un fond et une forme différente, c'est un autre sujet.

Expliquer les mécanismes physiopathologiques de l'éthanol et ses métabolites, la spécificité de la période embryonnaire et fœtale, faire un état des lieux des connaissances scientifiques, médicales et épidémiologiques de ces 50 dernières années, et attendre que l'individu fasse son choix éclairé : c'est beau, mais ça ne marche pas dans la réalité. Lors de mes premières consultations autonomes avec des patients, mon approche "prévention" était aussi utopiste : basée sur la pédagogie, sur les faits, sur la science... Mais cela ne porte ses fruits (voire, est écoutable) qu'une fois sur 10. Quand elle n'est pas comprise à moitié et déformée au passage : un verre devient ainsi rapidement 3 ou 4 verres (pas remplis à ras bord en fait) ! Bien sûr, pas chez tout le monde.

Affichons le chapitre "Actions de l'alcool sur l'embryon et le foetus : connaissances et perspectives" d'un bouquin médical ou la dernière méta-analyse d'une revue internationale scientifique à comité de lecture. Efficacité douteuse.


Je veux bien que Renée G. tente de révolutionner la Santé Publique, mais c'est une voie sans issue. Alors que la science du marketing ou de la politique a très bien compris et mis à grand profit le fait qu'il faille faire simple, être percutant, et ne pas nourrir d’ambiguïté : cela ne fonctionnerait pas pour le reste, le cerveau humain serait soudainement avide de complexité, ouvert à la réflexion sans limite de temps, et pourrait comprendre sans socle de connaissances sur le sujet. C'est beau. Je veux vivre dans ce monde !

Couvrez cette vue anatomique que je ne saurais voir !

Terrorisée. C'est par ce mot que la journaliste démarre ses états d'âme en réaction au discours sanitaire (comprendre : les recommandations de santé publique) sur le thème de l'alcool pendant la grossesse. En parlant de terrorisme, je m'attendais au pire : quelles horreurs ont donc fait nos professionnels de santé publique ? Je m'imaginais voir des images chocs sur les malformations ophtalmiques du fœtus, des fentes du palais ou de la lèvre des plus spectaculaires, des photographies d'organes génitaux, de cœur ou de diaphragme malformés à en donner la nausée, des vidéos illustrant des troubles de la motricité effrayants, bref du SAF triste et cruel.

Mais non. Rien de tout ça. Renée G. a été terrorisée par un dessin de presse et par deux affiches de prévention pourtant bien moins choquantes d'un simple paquet de cigarette d'aujourd'hui.

Le premier dessin mis au banc des accusés vulgarisait les périodes de risque liées à une consommation d'alcool en fonction du développement du système nerveux central de l'embryon et du fœtus.
D'abord, c'est un peu malhonnête : ce dessin n'a aucun lien avec la campagne de Santé Publique France dénoncée tout au long de l'article. Il a été réalisé pour le journal Le Parisien. Jetez-y un œil : la miniature est volontairement tronquée au niveau de la légendre. Car la vue anatomique d'un œil qui choque tant était là pour l'illustrer ! Il aurait fallu que les yeux soient fermés pour Renée G. Tout comme le cerveau ou le cœur auraient du être cachés sous les structures externes peut-être... Bref, la demande d'un retour au Moyen-Age où l'anatomie était à sa place : interdite. Parlons des organes sans les montrer. Prenez note de votre collègue, Le Parisien !

Le dessin du Parisien : avec une rotation à 90°, il est aussi choquant qu'un épisode de "Il était une fois... la vie"

Ensuite, concernant les deux affiches de la campagne de Santé Publique France : soulagement, les yeux du fœtus sont fermés, par contre il "baigne shootée dans du pinard ou de la bière" (sic). Encore le choix de nos instances typiquement françaises et stupides de faire peur ?

L'affiche de Santé Publique France


Pourtant, ce n'est pas nouveau et français comme on vous le dit. Une affiche de sensibilisation conduite entre autre par l'agence de santé de l'Irlande, avait déjà immergé un fœtus dans de la bière. Une autre au Canada était même allée plus loin (peut-être trop) dans le continuum alcool-mère-enfant avec des choix graphiques bien plus impertinents.


Campagne de sensibilisation en Irlande ("Pas d'alcool, pas de risque")

Affiche de sensibilisation au Canada ("Le bébé ou la bouteille")

Ces images, moins choquantes quand même que la prévention routière, ont pourtant un but pédagogique : faire comprendre que le fœtus n'est pas protégé dans le ventre, par la barrière hémato-placentaire. C'est une idée reçue tenace dans une partie de la population. Le taux d'alcool sanguin chez la mère sera le même chez le fœtus à l'initiation de la consommation, par contre, lui sera davantage exposé à la toxicité de l'alcool :
  • son taux sanguin diminuera plus lentement du fait d'un métabolisme hépatique plus lent.
  • il sera également exposé par ingestion du liquide amniotique chargé en alcool.
  • enfin, il sera exposé aux métabolites (comme l'acétaldéhyde, encore plus toxique que l'éthanol) sécrétés par sa mère métabolisant l'éthanol, en plus de ses propres métabolites.

Alors non, l'image d'un fœtus baignant dans l'alcool n'est pas usurpée, et reste plus simple à comprendre qu'une imagerie anatomique d'une cavité amniotique, d'un cordon ombilical et d'un foie (même deux) avec des illustrations de flux, de métabolisation, de données chiffrées de taux d'éthanol, d'acétaldéhyde, etc, accompagnés de moyennes, d'écart-types, et d'intervalle de confiance. Surtout qu'on a cru qu'il fallait éviter ça, la vraie anatomie.

Les études sont rassurantes !

C'est certainement dans une grande bouffée délirante d'hyper-confiance que la journaliste a pu titrer "Des études rassurantes", en taille maximale et en gras. Aucun risque ! Car aucun lecteur ne s'arrête aux titres et sous-titres : ils ne mettent jamais en exergue quoi que ce soit. Ou pas ?

C'est donc dans une démarche éthique et d'intérêt de santé publique, qu'un journaliste a réussi à titrer que les études sur la consommation d'alcool raisonnable durant la grossesse sont rassurantes (à vrai dire : c'est à ce moment là que j'ai pensé "lobby de l'alcool"). Réalisant par la suite ce qu'on surnomme joliment la cueillette de cerises (ou picorage), Renée G. a sélectionné 3 études parmi les centaines ayant traité le sujet durant ces dernières décennies, afin de garantir que les études (celles-ci et les centaines d'autres) sont rassurantes. Et ce, même quand l'étude, comme celle du Pr. Kelly souvent mise en avant :
  • est épidémiologique : ne pouvant pas établir de relation de causalité, et de surcroît loin de remplir les critères de Bradford Hill.
  • comporte des recueils rétrospectifs : donc d'un niveau de preuve scientifique des plus bas, au sein même des études épidémiologiques (qui sont déjà en bas !).
  • et que ne pas rejeter l'hypothèse nulle H0 ("pas de différence entre groupe exposé et non exposé") ne signifie pas qu'elle est vraie : si vous n'avez rien compris Renée, il y a des bouquins de biostatistiques dans toutes les bibliothèques universitaires.
Elle deviendrait soudainement aussi crédible qu'une étude d'intervention contrôlée !

Plus sérieusement, concernant les consommations légères à modérées, quelle conclusion apporte la littérature scientifique et que nous pouvons garantir à la population ?
Et bien, aucune. Car les données observationnelles sont inconsistantes. Cela est d'ailleurs systématiquement rapporté en introduction de toutes ces études :

Par exemple, "studies focusing on the effects of light-to-moderate alcohol consumption during pregnancy on birth outcomes have shown inconsistent results." (Bakker, 2010), avec en référence bibliographique les études à résultats contradictoires.

Pourquoi avance-t-on si lentement ? Car il est difficile d'avoir des études à haut niveau de preuve : il faudrait une méthodologie contrôlée en double aveugle, avec un groupe de femmes enceintes qui devra consommer de l'alcool pour le compte de l'étude. Bref, un protocole qui ne passera jamais le Comité de Protections des Personnes. Donc on en reste à l'épidémiologie et ses obstacles.

Comment communiquer dans ce cas ?
Alors même que les notions d'unité d'alcool, de consommation légère/modérée, de risque relatif, sont incomprises dans les populations les plus victimes des troubles causés par l'alcoolisation fœtale ?
Faut-il faire comme l'industrie du tabac l'avait fait : créer le doute, la nuance, laissez libre interprétation à l'individu ?
Je vous laisse y réfléchir.

A côté de l'épidémiologie, il y a aussi la science fondamentale. Mécanistique. D'un point de vue de la plausibilité biologique, une substance tératogène comme l'alcool peut avoir des conséquences avec un seuil de toxicité (effets déterministes) mais aussi d'autres sans seuil (effets stochastiques non-déterministes). Et que ce seuil, et même sa simple existence, est "mathématiquement" inconnu à ce jour (d'autant qu'il ne peut certainement pas être le même pour tous les troubles causés par l'alcoolisation fœtale). C'est pourquoi le principe de précaution invite sagement à recommander d'éviter complètement l'alcool durant la grossesse. C'est ce que conclut le National Health Service (NHS, l'agence de santé britannique) autant que nos agences de santé. Le NHS va même plus loin : il conseille de ne pas boire durant la recherche d'une grossesse. Oui, Renée G. oppose les deux structures et donc les deux pays dans sa diatribe, mais passez à la suite pour voir que c'est un duel qu'elle a elle-même construit.

Une affiche de prévention qui aurait pu être proposée par Renée G. Efficacité douteuse.

L'herbe serait plus verte ailleurs ? Faux !


Pour comparer ce qui se fait ailleurs par rapport à notre pauvre pays de décideurs imbéciles, Renée G. s'est enfin lâchée : elle a comparé France et Angleterre avec la méthodologie suivante :

1) Pour la France, cette campagne actuelle de sensibilisation qu'elle a résumée par les deux affiches et le slogan court et concis : "Zéro alcool pendant la grossesse".

2) Pour l'Angleterre, une page du site internet du NHS traitant du sujet alcool et grossesse, non associée à une campagne de sensibilisation spécifique.

La conclusion : en Angleterre, ils expliquent davantage qu'en France ! Bingo ! Un texte donne plus d'information qu'un slogan ou qu'une image. Cela n'était vraiment pas attendu, on en tombe des nues...

Forcément, on compare ce qui n'est pas comparable tout en faisant croire aux lecteurs que les sources d'informations et les modes de prévention de chacun de ces pays se limitent à ces supports. Manipulation.

Ce que cette journaliste vous cache, ce sont déjà deux faits :

- Premièrement, la campagne de sensibilisation actuelle en France comporte également des dépliants : ceux-ci apportent plus d'informations, de réponses aux questions courantes, de réassurance aussi pour savoir que faire en cas de besoin, à qui parler. Dans ce flyer, aucune notion d'interdiction, pas d'images terrorisantes, mais les mêmes informations que celles attribuées au NHS. Un exemple : la non-connaissance d'un seuil de toxicité conduit à recommander de ne pas boire l'alcool pendant la grossesse :

Extrait du dépliant de Santé Publique France de cette même campagne :
la même approche que Renée G. souligne chez le NHS


- Deuxièmement, en France aussi, on peut trouver un site internet avec beaucoup d'informations et de pédagogie. Sur le site de Santé Publique France (qui a intégré l'INPES) mais surtout sur Alcool Info Service qui est un service dépendant de cette agence depuis le 1er mai 2016, et justement spécialisé dans cette thématique. Sauf que ça, Renée G. n'en a que faire. Il y avait peut-être trop à lire, et elle, pas le temps. Elle l'ignore, elle snobe cette structure alors que le NHS l'emporte à ces yeux.

Du coup, quand on lit "C'est toute la différence avec la médecine anglo-saxonne qui considère que le patient et le soignant sont une équipe qui travaille ensemble.", c'est nous qui sommes choqués par tant de french-bashing. Une claque nourrie d'ignorance pour toutes ces femmes et ces hommes qui travaillent chaque jour à Alcool Info Service, mais aussi dans les Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), dans les CAARUD, dans les ateliers de prévention, les addictologues, sage-femmes, gynécologues, chargé(e)s de prévention, médecins généralistes, bref ceux qui œuvrent pour aider les femmes qui en ont besoin, pour limiter les conséquences sur les enfants en devenir, pour être acteurs à tous les stades de la prévention : primaire, secondaire et tertiaire. Vous n'existez pas à ses yeux. En France, il n'y aurait que deux affiches et un contact téléphonique avec un directeur scientifique de Santé Publique France. Un homme de surcroit. Point.

Enfin, pour comparer ce qui est comparable, lors des campagnes de sensibilisation menées à l'étranger, ont été réalisés les mêmes types d'affiches et de slogans "réflexes" (le fameux ordre infantilisant typiquement français selon Renée G.). Petit portfolio :


USA - Minnesota

Canada

Allemagne

Italie

Pologne

Canada (Alberta)

Bref, dans tout cet amas d'incertitudes, une chose est claire: ce n'est pas que français de prendre les femmes pour des imbéciles.
Mais Renée G. apporte des solutions : tout n'est pas dans la critique. Voici ce qu'elle propose, fruit de sa longue expérience en santé et sa culture de terrain :


Je vous l'accorde, c'est un peu tendu pour en faire une affiche de sensibilisation. Du doute, de la nuance, de l'incertitude, toute ressemblance avec le travail de communication de l'industrie du tabac des années 70-80 serait fortuite ! Évoquons quand même ces quelques points :

  • La toxicité dépend de la quantité : vraie pour les effets déterministes, pas pour les effets stochastiques. Et oui, la dose ne fait pas toujours le poison, nous ne sommes plus au siècle de Paracelse, la toxicologie a depuis progressé.
  • La quantité d'alcool consommée : aux français de s'en faire une idée. Surtout pour ceux qui ne considèrent pas le vin et la bière comme de l'alcool.
  • Fenêtres de vulnérabilité encore mal identifiées : en gros, avec un peu de chance, il n'y aura pas de conséquences : vous avez déjà joué à la bataille navale ? C'est pareil. Soyez joueurs ou pas !
  • Études rassurantes : l'argument pseudo-scientifique le plus efficace pour favoriser directement ou indirectement la consommation d'alcool durant la grossesse, et participer à la pérennisation des croyances sur l'innocuité de l'alcool durant la grossesse. Bravo !
  • Consommation légère d'alcool : notion comprise différemment par tous, comme déjà vue.

Bref, il n'est pas sûr que l'évaluation d'impact de ce type de discours non individualisé en prévention primaire ait un retour très positif...

Attention au syndrome du glissement

Vous devez être prévenus : si vous souhaitez donner votre opinion sur le sujet sans recevoir d'insultes gratuites, vous ne devez pas être un homme. Si vous êtes une femme et que vous donnez une opinion différente : vous serez 'juste' ignorée (car vous ne correspondrez pas au profil pouvant alimenter ce qui ressemble à un combat des genres).
L'article de Renée G. ayant fait un buzz notable (on me souffle qu'il y aurait un livre à vendre dans les librairies ?), les remarques se sont multipliées, souvent indignées, mais comme le martèlent les gardes du corps dictatoriaux de ses pages twitter et facebook, comme Marie-Hélène Lahaye, s'auto-considérant papesse des féministes : "No uterus = no opinion" (sic).

C'est fatiguant, usant, de glisser systématiquement sur ce point Godwin des genres alors que ce qui nous intéresse, c'est la santé publique. Et que le sujet alcool et grossesse concerne autant les femmes que les hommes que... l'enfant ?! Et oui, il ne faudrait pas oublier qu'il aurait peut-être le droit de ne pas souhaiter qu'on joue à la bataille navale sur lui. Ce n'est pas comme s'il en paiera les conséquences toute sa vie, si ?

Proposons à ces "journalistes" de parler du tabagisme à tout âge et à tout sexe, le parallèle est tout à fait possible et cela nous évitera de glisser dans un débat de faux féminisme.

Mais surtout : proposons à ces "journalistes" de faire un stage médical, en milieu hospitalier, en contact avec des populations précaires et vulnérables. Avec des enfants victimes d’une alcoolisation fœtale. Face à la réalité, parfois moche, qui ne se trouve pas dans leurs open-spaces, salles de réunions et plateaux TV. Peut-être, je dis bien peut-être, que cela pourra soigner leur dénigrement arrogant.

Pour conclure


La santé publique n'est pas une science dure, encore moins exacte : c'est un domaine délicat qui ne se réduit pas à la prévention, et cette prévention ne se réduit pas elle-même aux campagnes de sensibilisation, limitées dans le temps.


Le fait que, d'après la dernière enquête, de plus en plus d'individus ont acquis la notion que la consommation d'alcool peut avoir des conséquences sur la santé de l'enfant à naître, est déjà une petite victoire.

Alors révoltons-nous : ne nourrissons pas le négationnisme en santé publique, ni l'auto-centrisme qui conduit à ne voir le principe de précaution qu'au bénéfice de sa personne (considérant qu'elle représente toutes les autres). Comprenons le pourquoi du comment de la prévention primaire non individualisée. Imparfaite par nature, pas 100% efficace, avec des effets collatéraux parfois négatifs (peur, culpabilité...), devant lutter face aux idées reçues, elle reste complémentaire aux autres approches de prévention.

Prochain sujet : quid des affiches pour le brossage des dents chez le dentiste ? (© So Lo ♥)

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