Le suivi des 77 118 participants de la cohorte VITAL a apporté des résultats qui devraient dissuader de se supplémenter à dose supra-nutritionnelle (c’est-à-dire bien au-delà des AJR) en vitamines B6 et B12.
Cette étude montre que l'usage de compléments alimentaires en B6 et B12 est associé à une augmentation de 30 à 40 % du risque de cancer du poumon chez l'homme. Cancer qui est, rappelons le, le 1er en terme d’incidence et de mortalité dans le monde. Pour les consommations les plus élevées (plus de 20 mg/j de B6 et plus de 55 µg/j de B12) et sur au moins 10 années , c'est un quasi-doublement du risque que l'on observe. Des doses pas si difficiles à obtenir : 4 comprimés d’un célèbre produit de parapharmacie comme le MagnéB6 apportent 20 mg de B6 ! D’autant plus que la posologie recommandée est de 6 à 8 comprimés par jour… Quand d'autres compléments commercialement disponibles frisent les 100 mg de B6 pour une seule dose ! Pour rappel, les AJR en France de la B6 sont de 1,4 mg/j et de la B12 de 2,5 µg/j.
Pour les hommes fumeurs, c’est encore plus pire : 3 à 4 fois plus de risque de cancer du poumon en cas de supplémentation (ça nous rappellerait presque l’étude ATBC où le beta-carotène augmentait les risques de cancer du poumon et de mortalité chez les fumeurs).
Oui, mais pourquoi les femmes ne sont pas concernées ? Des différences de polymorphismes sur des enzymes clés du métabolisme des folates pourraient l’expliquer selon les chercheurs. Et pourquoi la B9 ne ressort pas, alors qu’elle est quand même un élément clé de ce métabolisme monocarboné ? Pour cela, les auteurs expliquent que les suppléments de B9 seraient moins fréquemment à dose supra-nutritionnelle que ceux des autres vitamines B incriminées. Aussi, la nourriture étasunienne étant supplémentée en B9, cela estomperait les écarts de niveaux d’apports des consommateurs de suppléments et des non consommateurs (du coup, ils en consommeraient tous « pas mal »).
La dualité de la relation entre certaines vitamines B comme la B9 (acide folique) et le risque de cancers comme celui du côlon est un thème étudié de longue date, qui m’a déjà été présenté par des confrères chercheurs : ainsi, il n’y a pas vraiment de surprise à découvrir ces résultats. Pour vulgariser (ce sont des mécanismes très complexes) : pas assez de vitamines B et votre ADN sera plus susceptible d’être endommagé, avec des expressions géniques aberrantes, pouvant initier ou promouvoir une cancérogénèse. Mais un excès de vitamines B (en tout cas de B6, B9, B12) peut mener à des changements de méthylations de gènes, pouvant être alors réactivés ou dérégulés durant une cancérogénèse. Et par conséquence, il pourrait la favoriser également. D'autant plus quand d'autres facteurs (comme le tabac) l'initieraient.
La conclusion « en pratique » semble, quant à elle, suffisamment simple pour ne pas l’imager : les compléments alimentaires à dose supra-nutritionnelle sont à éviter tant que la preuve de leur innocuité n’a pas été faite. Du bon sens, mais pas pour tout le monde...
* En tout cas pour celles impliquées dans le métabolisme monocarboné de la voie des folates et de la méthionine comme la B6, B12, B9. Sa fonction : la synthèse et la méthylation de l’ADN.
Références :
L’étude de la cohorte VITAL parue dans le Journal of Clinical Oncology : http://ascopubs.org/doi/full/10.1200/JCO.2017.72.7735
Une revue de la dualité de l'acide folique vis-à-vis du cancer du côlon : http://gut.bmj.com/content/55/10/1387
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