3 mai 2019

Lien entre sodium et risque cardiovasculaire : non linéaire et le potassium rajoute un axe au plan

Quand je vous disais que, concernant l'hypertension (HTA) et le risque cardiovasculaire en général, on n'en faisait pas assez pour le potassium... et j'aurais même du rajouter, peut-être un peu trop pour le sodium. Il y a quelques semaines, un documentaire "Enquête de Santé" de France 5 sur l'HTA n'a eu d'yeux que pour le sodium parmi les facteurs alimentaires : il faudrait réduire sa consommation le plus possible au risque de pousser la population à voir le régime sans sel comme un idéal. Et comme cela était prévisible, le mot potassium, lui, n'a même pas été cité. Au mieux, à côté de la lutte contre le sel, il est recommandé de manger "équilibré" (ce qui est très explicite, n'est-ce pas?). Les invités, tous médecins, n'ont pas changé la donne, dommage mais pas si étonnant. Alors rajoutons une couche à ma précédente brève sur K+/Na+ (à lire ici).


Je vous partage aujourd'hui le résultat d'une étude prospective internationale (18 pays, 103 570 individus) parue dans le BMJ [1]. Le graphique ci-contre est une heat map (terme anglais signifiant littéralement carte de chaleur), et franchement, c'est beau à voir, non ? Je vous explique comment l'interpréter succinctement :

En couleur est représenté le risque d'avoir un événement cardiovasculaire et éventuellement d'en mourir : plus c'est vert, moins ce risque est important, plus c'est rouge, plus il l'est. En ordonnée (axe vertical), le meilleur marqueur de consommation du potassium (la quantité excrétée dans les urines), et en abscisse (axe horizontal), idem pour le sodium. La zone la plus verte se situe aux consommations maximales observables de potassium en conjonction avec une consommation modérée mais pas la plus faible, de sodium.

Alors forcément, comme avec d'autres courbes en J (qui a dit "alcool" ?), c'est à ce moment là où quelqu'un va s'écrier : "Attention, il y a un... BIAIS !". Car on peut penser que les plus faibles consommateurs de sodium sont des personnes à risque cardiovasculaire identifié ou ayant déjà une pathologie cardiovasculaire, ce qui les motive à réduire le sodium coûte que coûte (selon le message reçu à son sujet, via son médecin ou les médias). Sauf que dans cette étude, le temps t d'évaluation de ces consommations est le départ du suivi prospectif (médiane de 8.2 ans), et ensuite, on attend qu'il se passe quelque chose en terme d’événement de santé. Et les auteurs rapportent que l'exclusion des quelques participants ayant (à cet instant t) un antécédent cardiovasculaire, et même des participants ayant d'autres pathologies (cancer, diabète) ou fumeurs, et même (!) ceux ayant eu un événement cardiovasculaire dans les 3 premières années de suivi (donc ces fameux sujets "à risque" qui auraient pu modifier leur consommation alors que la pathologie était déjà sous-jacente)... ne modifie pas ce résultat.


▶️ Cette étude montre que la relation entre apport de sodium et mortalité cardiovasculaire se représente par une courbe en J. Que les recommandations OMS de consommer moins de 2 g par jour de sodium ne concordent pas avec ces données, qui ont leurs limites mais qui en confirment des précédentes comme cette analyse groupée parue dans le Lancet [2].

▶️ Que le plus bas risque de mortalité et d’événements cardiovasculaires est associé à une consommation modérée* de sodium (3-5 g/jour) avec les niveaux maximum observables d'apport en potassium (autour de 4 g/jour). *Attention, modérée n'est pas élevée !

▶️ Enfin, les auteurs osent suggérer ce que je répète sans arrêt : on a bien plus de chance d'avoir un patient observant quand on l'ouvre à un champ de possibilités (tous les aliments riches en potassium), que lorsqu'on ne lui recommande que des interdits. Ne pas oublier que "réduire le sel" est souvent le seul conseil alimentaire donné par un médecin à son patient. Attention, c'est toujours un conseil à donner car on est bien souvent face à des consommations supérieures à la zone verte...

▶️ Raisonner en terme du fameux ratio sodium:potassium (à diminuer) est un piège puisque, en tant que simple fraction, il pourra conduire aux consommations de sodium les plus basses (et des apports en potassium pas forcément suffisant !).

▶️ Le mécanisme évoqué pour expliquer la courbe en J est l'activitation du système rénine/angiotensine en réponse à des taux trop bas de sodium (pour conserver le peu qui reste), activation dont les effets détrimentaires possibles sont connus.

▶️ Au delà de ces données observationnelles, une méta-analyse d'essais cliniques entre tension artérielle et potassium avait été publiée en 2017 dans PloS one [3]. Ont été compilées les études d'intervention (contrôlées, randomisées) où un groupe d'individus est supplémenté en potassium, et un autre groupe par un placebo (pendant au moins 4 semaines). Et le résultat montre une efficacité pour réduire à la fois la systolique que la diastolique. Avec de surcroît, un effet dose-réponse.

▶️ Tout ceci doit encourager les praticiens à favoriser une prévention positive en insistant sur la recommandation de consommer des aliments riches en potassium (légumes, fruits, noix, légumineuses...), plutôt que de se limiter au sempiternelle message "ne mangez pas de sel" [4].


Références

[1] O’Donnell, M., Mente, A., Rangarajan, S., McQueen, M. J., O’Leary, N., Yin, L., ... & Ferguson, J. (2019). Joint association of urinary sodium and potassium excretion with cardiovascular events and mortality: prospective cohort study. bmj, 364, l772.

[2] Mente, A., O'Donnell, M., Rangarajan, S., Dagenais, G., Lear, S., McQueen, M., ... & Li, W. (2016). Associations of urinary sodium excretion with cardiovascular events in individuals with and without hypertension: a pooled analysis of data from four studies. The Lancet, 388(10043), 465-475.

[3]  Poorolajal, J., Zeraati, F., Soltanian, A. R., Sheikh, V., Hooshmand, E., & Maleki, A. (2017). Oral potassium supplementation for management of essential hypertension: A meta-analysis of randomized controlled trials. PloS one, 12(4), e0174967.

[4] Burnier, M. (2018). Should we eat more potassium to better control blood pressure in hypertension?. Nephrology Dialysis Transplantation, 34(2), 184-193.

2 commentaires:

  1. Merci pour le blog détaillé. Excellente information et aussi pour donner une bonne expérience après lecture, je l’obtiens vraiment de la façon dont un corps sain et une nutrition personnalisée sont nécessaires au mode de vie. Vous pouvez également visiter le site Web www.equipenutrition.ca Service de nutrition et de diététique. Visitez Equipenutrition

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  2. Très intéressant merci pour votre blog, je suis passionné de nutrition, continuez à nous informer avec encore plus d'articles svp ! :-)

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